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Le nouveau contrat de travail pour les jeunes est abrogé

France
/En Février 2006, le gouvernement a mis en place un nouveau contrat de travail pour les jeunes de moins de 26 ans embauchés dans des entreprises de plus de 20 salariés. Ce contrat introduisait un assouplissement significatif de la procédure de licenciement. L’ensemble des organisations syndicales et étudiantes se sont très largement mobilisées pour demander son retrait qui est intervenu en avril./
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En Février 2006, le gouvernement a mis en place un nouveau contrat de travail pour les jeunes de moins de 26 ans embauchés dans des entreprises de plus de 20 salariés. Ce contrat introduisait un assouplissement significatif de la procédure de licenciement. L’ensemble des organisations syndicales et étudiantes se sont très largement mobilisées pour demander son retrait qui est intervenu en avril.

Dans l’objectif de lutter contre le chômage des jeunes, le Premier ministre a instauré dans l’urgence (engagement de la responsabilité du gouvernement par l’article 49.3 de la Constitution) et sans concertation avec les organisations syndicales et patronales un Contrat première embauche (CPE) pour les moins de 26 ans. Ce dispositif a été voté en mars 2006 par le Parlement.

Le Contrat première embauche

Le CPE était un contrat à durée indéterminée particulier.

  • Il débutait par une « période de consolidation » de deux ans au cours de laquelle il pouvait être rompu sans obligation de motivation ;
  • En cas de rupture, le salarié, recruté depuis au moins un mois, aurait bénéficié d'un préavis de deux semaines si la rupture était intervenue avant le sixième mois, et d'un mois au-delà. Il aurait reçu une indemnité d’un montant égal à 8 % du montant total de la rémunération brute versée depuis la conclusion du contrat ;
  • Deux pour cent de la même rémunération auraient par ailleurs permis de financer l’accompagnement du salarié par les services publics de l’emploi ;
  • S'il n’avait pas été éligible à l’allocation chômage (FR0601105F), après quatre mois de contrat, le jeune aurait pu toucher pendant deux mois une allocation forfaitaire de 16,40 EUR par jour. Le droit individuel à la formation (DIF) (FR0311103F) se serait ouvert dès la fin du premier mois, au lieu d’un an pour les autres contrats ;
  • En cas de rupture du contrat, à l'initiative de l'employeur, au cours des deux premières années, il n’aurait pu être conclu de nouveau contrat première embauche entre le même employeur et le même salarié avant que ne soit écoulé un délai de trois mois à compter du jour de la rupture du précédent contrat.

Le CPE constituait une extension aux entreprises de plus de 20 salariés du Contrat nouvelles embauches (CNE) prévu par le Plan d’urgence pour l’emploi de juin 2005 et mis en place l’été 2005 par voie d’ordonnance (FR0507103F). Il venait s’ajouter à la palette déjà large des contrats dérogatoires créés par la politique de l’emploi en direction des jeunes (FR0512101T). Excepté le critère d’âge, le CPE ne ciblait aucun public particulier. Un jeune diplômé pouvait donc être recruté sous ce contrat. La montée en charge des CNE (350 000 embauches) témoigne de nombreuses ruptures de contrat et donne lieu à un contentieux croissant devant le Conseil des prud’hommes. C’est surtout la rupture pendant la période de consolidation de 24 mois qui pose problème puisque le droit commun du licenciement ne s’applique pas intégralement. Il n’y a pas d’obligation de motivation du licenciement par une « cause réelle et sérieuse » à la charge de l’employeur. En revanche en cas de recours juridique devant le Conseil des prud’hommes, l’employeur doit justifier auprès du salarié mais aussi du juge qu’il ne s’agit pas d’un licenciement abusif. La quasi-totalité des nombreux recours juridiques intentés par les titulaires de CNE donne raison à ces derniers.

Réactions

Face à l’annonce du CPE, l’ensemble des syndicats ont aussitôt dénoncé une « institutionnalisation de la précarité » et une « profonde remise en cause du droit du travail ».

Le Parti Socialiste a accusé le Premier ministre d'avoir « tué le CDI » et a fait savoir, par la voie de ses représentants au Parlement qu’il allait saisir le Conseil constitutionnel.

L'Union nationale des étudiants de France, Unef, l'Union nationale des lycéens, UNL ainsi que la Confédération étudiante ont estimé que ce contrat constituait une discrimination forte à l'égard de la jeunesse qu'il condamnait à la précarité.

De son côté, le Mouvement des entreprises de France, MEDEF tout en estimant qu'il « fallait aller beaucoup plus loin dans la libéralisation du droit du travail » s’est montré réservé sur ce nouveau contrat de travail. De nombreuses voies se sont fait entendre en son sein sur la possibilité de réintroduire une motivation ex ante du licenciement ou de réduire à un an la durée de la période consolidation.

Mobilisation

L’ensemble des organisations hostiles à la mesure appellent à une première manifestation le 7 février pour demander son retrait. Alors que les sondages d’opinion font état d’une impopularité croissante du CPE et qu’une vingtaine d’universités sont touchées par des grèves, une seconde vague de manifestations regroupe, le 7 mars, entre un million de personnes (selon les organisations syndicales) et 400 000 (selon la police). Le gouvernement annonce le lendemain qu’il n’entend pas renoncer au CPE et que ce dernier entrera en vigueur avant fin avril 2006. Une nouvelle journée de manifestation, le 28 mars, regroupe le double de participants. Les étudiants maintiennent une pression constante sous la forme de grèves et d’occupations de la grande majorité des universités, procédant à des consultations quotidiennes en assemblée générale. Devant l’ampleur du rapport de force, après avoir ignoré les organisations syndicales et lycéennes, le gouvernement se dit alors ouvert au dialogue, mais seulement pour des améliorations du dispositif, sans envisager de modifier le texte de loi. Les organisations syndicales, étudiantes et lycéennes refusent unanimement ces bases de négociations et font du retrait de la mesure un préalable à la reprise du dialogue social.

Parallèlement le Conseil constitutionnel statue, le 30 mars, sur la constitutionnalité du CPE. Le lendemain même, selon une conception inhabituelle du droit, le Président de la République annonce simultanément : qu’il promulgue la mesure ; qu’il demande au gouvernement de préparer deux modifications essentielles (réduction à un an de la période de consolidation ; droit du jeune à connaître les raisons du licenciement) ; et qu’il prend toutes les dispositions pour qu’en pratique aucun contrat ne soit signé sans intégrer ces modifications. Puis, la position des Pouvoirs publics change à nouveau. Ce n’est plus le gouvernement qui est chargé de rédiger un nouveau projet de loi, mais les parlementaires de l’Union pour un mouvement populaire, UMP, présidée par Nicolas Sarkozy. Le Premier Ministre est alors dessaisi du dossier.

Une dernière étape de la mobilisation débouche sur les manifestations du 4 avril qui sont de même ampleur que celle du 28 mars.

Retrait du CPE

Le 12 avril, l’Assemblée nationale adopte en première lecture une proposition de loi abrogeant le CPE. Ce dernier est remplacé par le recours à trois dispositifs existants (FR0512101T) que le gouvernement entend mobiliser en direction des jeunes les plus en difficulté :

  • le Soutien à l’emploi des jeunes en entreprise (SEJE) - contrat aidé dans le secteur non marchand destiné aux jeunes dont le niveau de formation est inférieur au bac – se voit renforcé à travers de nouvelles exonérations de charges sociales au profit de l’entreprise ;
  • le Contrat d’insertion dans la vie sociale (CIVIS), contrat d’accompagnement des jeunes en grande difficulté est réorganisé en trois temps : bilan de compétences sur les trois premiers mois ; enchaînement de contrats de travail ou de période de formation au-delà des trois mois ; tutorat de suivi du jeune après la première année d’entrée dans l’emploi ;
  • le contrat de professionnalisation, contrat en alternance issu de l’accord interprofessionnel de 2003 sur la formation professionnelle (FR0311103F) bénéficie également d’exonérations supplémentaires de charges sociales.

Au total, ces mesures représentent 150 millions EUR d’allègements fiscaux supplémentaires – sur quelque 15 milliards de subventions accordées aux entreprises, en faveur de l’emploi des jeunes. Leur financement serait assuré par une augmentation des droits sur le tabac.

Les organisations syndicales, étudiantes et lycéennes qui ont maintenu jusqu’au bout leur unité se sont félicitées de la victoire qu’a constitué le retrait du CPE et se sont peu exprimées sur les mesures qui l’ont remplacé, jugées peu significatives. La proposition de loi entérinant la fin du CPE proposait d’ouvrir « une large concertation avec les partenaires sociaux et les organisations étudiante et de jeunesse sur l’insertion professionnelle des jeunes ». Celle-ci reste à venir.

Florence Lefresne

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